lundi 30 juin 2014

En mode survie

Je suis en mode survie depuis que ma consœur  m'a quittée pour s'installer dans un autre canton; les patients sont affolés et dépités et l'accablent de tous les vices possibles. 
Mais en attendant pour ceux qui restent ce n'est pas facile, et je répète dix fois par jour la même chose: "mais non, je n'étais pas plus au courant que vous, je l'ai su trois jours après qu'elle soit partie. Si vous voulez récupérer votre dossier, écrivez-lui à l'adresse de son cabinet ça suivra, surtout n'oubliez pas la formule, " selon la loi du 4 mars 2002, le patient peut avoir accès à tout son dossier, alors je vous demande de me le retourner dès réception de cette lettre s'il vous plait". 

Et je sens que je vais placarder ce petit discours sur les murs de mon cabinet pour éviter la salive et tout le précieux temps perdu en rabachage. Et pour ceux qui n'ont pas compris, je n'applique pas la reformulation chère aux techniques de communication: juste:
"elle m'a quittée je n'en sais pas plus".  Et basta. 

Pourquoi manque-t-on aussi cruellement de médecins campagnards? C'est agréable de ne pas avoir de feux rouges, d'entendre les oiseaux, d'avoir une belle maison donnant sur les bois, d'être à 45 minutes du stade de France et à 20 mn des grands centres commerciaux! 
 Les confrères, vous ne voulez pas faire un stage dans mon cabinet? 

lundi 23 juin 2014

Se prendre pour Dieu tout-puissant

Un de mes confrères sur les carnets de santé écrit rageusement quand les parent sont indociles: " a refusé le gardasil" "vaccin BCG refusé par les parents", " troisième vaccin Prevenar refusé par le docteur Vincent". 
C'est relativement désagréable quand je vois ça dans les carnets. mais les effets ne sont pas ce que le confrère croit: les patients se braquent dans leur conviction, surtout quand le meilleur ami du frère du cousin... a eu une sclérose en plaque suite au vaccin de l'hépatite B. 
De plus si je me trouve devant les carnets de santé, c'est que les patients me font encore confiance. Alors j'efface les remarques malvenues; c'est plus problématique quand c'est écrit au stylo.  Tout ce que ce confrère a réussi c'est qu'on lui réponde quand elle demande le carnet de santé "Oh, quelle petite tête je suis, je l'ai oublié!"

Encore une fois je ne suis pas contre les vaccins, je suis contre tout ce qui retire la responsabilité des parents envers leur enfant. Il y a des vaccins obligatoires, des facultatifs et les parents ont le droit de le savoir et qu'on arrête de se prendre pour des grands gourous. Surtout dans ma patientèle ça ne passe pas car ils se renseignent et font leur choix en leur âme et conscience. 

Et pendant qu'on y est je suis contre l'interdiction de la fessée, je suis sûre que ça incite certains parents à devenir plus vicieux. 


dimanche 22 juin 2014

La chasse au patient

Chaque médecin sur son ordinateur s'est vu installer espace Pro de la Sécu. Cet application nous permet de commander des imprimés, de faire les 100%, et de créer les arrêts de travail, et surtout d'enregistrer les nouveaux patients: cela remplace le formulaire de déclaration de choix du médecin traitant.

Mais comme vous le savez sûrement, tout l'intérêt de ce formulaire est que c'est un vrai contrat: le médecin signe, l'assuré de plus de 16 ans aussi, et tout le monde est d'accord et tout va bien.

Seulement en ligne il faut cocher la case " le patient est d'accord etc.", et on envoie, sans que forcément le patient ne le sache! Et un de mes confrères parfois, sous prétexte qu'il a vu mes patients deux fois, le coche un peu beaucoup gougeatement.
Je m'en fiche, sauf pour mes patients qui se retrouvent à ne pas être correctement remboursés quand ils me reconsultent.

Si dans nos campagnes, où il y a pénurie de médecin, on en est à pratiquer ces choses-là, qu'est-ce que ça doit être à Paris ou sur la Côte d'Azur, ça doit bastonner là-bas. Je rappelle qu'on gagne 5 euros par an par patient inscrit.
Encore un truc pas complètement pensé de nos pouvoirs publics. 

jeudi 19 juin 2014

psychiatrie punition.

Un de mes patients suicidaire après une mauvaise nouvelle est parti de chez lui en emmenant une corde et prévenant son épouse: " si tu veux me récupérer vivant, débrouille-toi pour me retrouver vite". Elle a appelé les flics qui ont retrouvé le candidat au Grand Passage. Il l'ont emmené aux urgences, ont discuté un peu avec lui et l'ont laissé aux mains de l'équipe d'urgence;  puis mon patient est resté durant une heure et demi tout seul dans une salle. 
" J'aurais pu me sauver dix fois si j'avais voulu. 
- Mais au moins y a-t-il quelqu'un dans ce fichu hôpital qui a pris le temps de vous écouter? 
- Oui, les policiers, mais ils m'ont cassé les pieds à me demander les mêmes choses. 
- Et comment êtes-vous ressorti? 
- Un ami est venu me chercher. Le médecin urgentiste m'avait menacé: "vous trouvez quelqu'un en vitesse sinon on vous place en psychiatrie". 
- Vous avez eu un traitement? 
- Non, ils m'ont dit de reprendre contact avec le médecin traitant". 

Etrange, mais de plus en plus courant des prises en charge comme celles-ci. 
Et si la psychiatrie veut conquérir une certaine crédibilité auprès du grand public, il faudrait qu'on arrête d'amalgamer psychiatrie-punition et psychiatrie-soin. Ça fait un mélange fâcheux. 
C'est évident que présenté comme ça, le choix a été tout de suite fait pour mon patient.  
Il aurait eu besoin de quelques jours tranquille avec une oreille attentive, empathique et compatissante afin qu'il reprenne pied. 


mardi 17 juin 2014

Bizarreries

Parfois dans mon cabinet se disent des choses assez surprenantes, pas du genre évidemment qu'un psy nous a dit en cours " Il faut s'attendre à tout en cour d'assise. Un jour j'ai failli être désarçonné par une femme qui me demandait le nombre de fois convenable pour faire l'amour par semaine".

Non, cette question est assez basique et je laisse chacun découvrir son rythme idéal.

Mais une patiente m'a confié avoir tiré un jour les cartes à mon grand remplaçant charmant ( ça rime)! Quand elle s'est mise à lui raconter des trucs un peu intimes, heureusement il a écourté ce léger dérapage.

Il y a un mois aussi, j'étais en consultation avec une petite famille tout à fait sympathique et calme, puis j'ai ouvert la porte pour qu'ils s'en aillent et laissent entrer un autre patient. Et il me demande:
" Ca sifflait chez vous?
- Bien non.
- Mais enfin, j'ai entendu des sifflements durant quelques minutes, j'ai même ouvert la porte d'entrée pour voir si ce n'était pas dehors. L'autre patient encore en salle d'attente vous le confirmera".

Effectivement, un esprit farceur est venu s'inviter chez moi! Et je n'ai rien entendu.

lundi 16 juin 2014

responsables mais frustrés

Une heure de retard toute la journée! Ma nouvelle remplaçante ne va pas regretter son déplacement.

Une mesure du gouvernement qui m'a fait bondir: les pharmacies depuis quelques mois sont rétribuées pour conseiller les patients sous anticoagulants, elles font signer un contrat à chaque patient qui en prend. C'est bien beau tout ça, les patients ont le choix entre le laboratoire d'analyses médicales, l'infirmière, la pharmacie ou le médecin pour l'aider à doser son anticoagulant.
Bon. Mais c'est dangereux car la responsabilité en dernier lieu incombe au médecin qui les a prescrits, et si le patient fait un accident hémorragique, qui est embêté? Pas la pharmacie qui touche de l'argent et n'a aucune responsabilité.
Ne parlons pas du système Sophia de la Sécu pour le suivi intelligent des diabétiques, la Sécu dit "youpi, des milliers de gens ont signé", je n'en connais pas un seul. Mais s'il y a un coma diabétique,  ou autre avatar, le médecin généraliste est responsable.

Nous sommes responsables donc, et nous n'avons pas la haute main sur le suivi des patients,
Nous sommes responsables mais on ne sais jamais si ce qu'on prescrit aux patients ne va pas être interdit un jour pour rapport bénéfice risque négatif.
Et on décide en son âme et conscience de ne pas prescrire ou le contraire, et le médecin de la Sécu fait des remarques sur nos prescriptions.
Et sur nos pages d'arrêt de travail en ligne, si on écrit "angine", il est écrit en dessous " trois jours", et ceci pour les maladies les plus courantes. Frustrant.

Qui veut encore être généraliste?
Pas le doc de montagne: http://genoudesalpages.blogspot.fr/


dimanche 15 juin 2014

Encore seule

Me revoilà encore toute seule, mon associée m'ayant abandonnée avec ses patients, d'abord pour cause personnelle quelques mois, puis définitivement avec ses dossiers sous le bras. On pourrait dire qu'ils courent dans tout le canton comme des poules égarées, mais plutôt comme des pèlerins aux abois, qui trouvent les portes de tous mes confrères fermées pour les nouveaux patients.
Et moi aussi: non seulement j'ai écrit que je ne prends plus de nouveaux patients, mais j'ai écrit "les journées n'ont que 24 heures".  Trop c'est trop.
Je me mets à rêver:
- si une infirmière travaillait avec moi et me décharge des vaccinations, des pesées, mesures, des conseils aux jeunes mamans, de l'éducations des hypertendus (non monsieur, l'efferalgan est bourré de sel, pas bon avec votre tension), des diabétiques ( le croissant du matin est superflu), des plaies etc.
- si j'étais équipée d'un secrétariat qui s'occupe des règlements, m'apporte le café, me rappelle les ordonnances en souffrance,  reçoive les patients, les écoute gentiment et soit ferme avec certains, s'occupe des fuites, pannes de courant, d'ordinateur etc.
- si je n'avais pas à faire les certificats de sports, les arrêts enfant malade, faire les bons de transport que les hôpitaux ont eu la flemme d'écrire, demander les 100% ( c'est idiot, la Sécu pourrait le faire).
Quel temps serait dégagé!

Mais tout simplement on est en train de nous dégoutter tous de notre travail, car le temps diagnostic et thérapeutique est bouffé par les autres contraintes à la noix.




jeudi 12 juin 2014

Je reçois toutes les CMU

Sur mon relevé de Sécu que nous recevons à rythme trimestriel, j'ai en permanence un taux de CMU ridiculement bas par rapport à mes confrères: 2 à 3%. Non, je ne refuse aucune CMU, personne ne peut s'en plaindre.
Voilà la technique pour ceux qui frisent les 50% et qui voudraient bien pratiquer une médecine différente:
Je reçois une CMU
" Bonjour monsieur.... bla...
- Vous acceptez la CMU docteur?
- Aucun problème".
Et je l'examine, je lui demande sa profession à la base, je lui donne les comprimés, les examens complémentaires. Le type est ravi. Tout va  bien, je suis un médecin A D O R A B L E.

deuxième épisode:
" Alors vous venez pour quoi? ... blabla... vous avez trouvé un stage? Vous êtes bon en quoi?"
Déjà le type est un peu moins enthousiaste.

Troisième épisode:
" Vous savez qu'ils recherchent du monde en carrosserie/chez Auchan/à la CAF/etc.?"

Complètement dégouté, le type décide de sa propre volonté de ne plus me consulter.
Ca serait quand même bien qu'on les prenne en mains pour qu'ils retrouvent le goût du travail, de l'estime d'eux-mêmes, et surtout qu'il y ait du travail disponible dans ce P. de pays!

mercredi 11 juin 2014

Contraceptions très personnelle

Une toute mignonne jeune fille: " Oui docteur, je prends bien la pilule. Je ne l'oublie pas.
- Oui, mais quand même si cela vous arrive?
- Il y a le préservatif.
- Que je comprenne bien: vous mettez le préservatif et prenez la pilule tous les jours?
- C'est à dire que le jour  ou les jours où j'oublie la pilule je mets le préservatif, et je n'en mets pas quand je ne l'oublie pas".
Comment fait-elle pour ne pas tomber enceinte? Un mystère. Je lui a promis que je parlerai d'elle dans ce blog.

Je rappelle à toute que oublie de pilule plus de 12 heures = préservatif une semaine, sinon risque de bébé! Et pour faire bonne mesure, oublie de pilule et rapport = pilule du lendemain.
Deux équations pour se protéger efficacement. 

jeudi 5 juin 2014

Education des policiers

 Mes patients flics ou gendarmes n'ont pas reçu de cours spécifiques sur les psychotropes! Quand on sait les effets secondaires que certains peuvent avoir ( Rohypnol, ou Stilnox = drogue du viol), cela mériterait une heure ou deux de briefing.
Ils arrivent devant une scène de meurtre, de suicide  et ils se focalisent sur les indices, l'arme du crime etc. C'est juste un peu léger.
Comme ils s'occupent d'un accident de la route, le cannabis est recherché, l'alcool, et les benzodiazépines? Sous prétexte que c'est prescrit, ils mettent un voile mental pudique sur les petits cachets qui peuvent trainer?
Et quand bien même ils sont notés dans les rapports, ils ne sont pas retenus comme facteurs de risque d'accident.

Cela me fait penser à une intervention en Samu que j'ai faite en 1994: un accident de voiture, un mort, deux blessés graves, un blessé léger... et des joints. Et j'ai demandé  à l'infirmier "On ne fait rien avec les joints?"  "Non, on n'a pas le droit d'en parler, alors tu ne mets rien sur le rapport". Et heureusement la jurisprudence a évolué.
Et en ce qui concerne les psychotropes, combien de temps mettra-t-on?

CF post du 27/11/2013

dimanche 1 juin 2014

A méditer

  • Mieux que tous les analgésiques, soporifiques, stimulants, tranquillisants, narcotiques, et, jusqu'à un certain point, mieux encore que tous les antibiotiques - bref, la seule « panacée universelle » connue de la science médicale, c'est... le travail. (Thomas Szasz)