vendredi 30 juillet 2010

laxatif au bon endroit.

Ce matin j'entre chez une patiente ( en ayant louvoyé comme à l'accoutumé dans le terrain miné, mes chaussures ayant déjà autrefois profité des productions du chien qui ne sort plus du jardin). Tout de suite elle m'entreprend sur sa constipation qui lui pose problème depuis énormément de temps. C'est un des maux les plus casse-pieds de la vieillesse.
" Ca ne sort pas docteur, je pousse, je pousse.
- Bon madame, c'est très simple, je vous propose un truc de non-médical: à chaque fois que vous avez envie, quelques minutes avant vous injectez trois cc d'huile d'olive dans le machin, l'exonération se passera en douceur".
Puis on discute de choses et d'autres. Pendant que je fais l'ordonnance elle me demande:
" Vous pensez à ma constipation docteur?"
Et j'interprète un peu vite qu'en plus elle est vraiment constipée et je lui prescris donc:
  - une seringue 5 cc
  - forlax, un le soir.
Puis je repars en faisant des sauts de puce dans le terrain toujours miné.

Le soir la pharmacie m'appelle:
" Docteur, on ne comprend pas l'ordonnance de madame truc: il faut qu'elle mette le forlax dans la seringue et qu'elle se l'injecte?"
Alors j'ai expliqué mes trucs de grand-mère: la pharmacienne le connaissait déjà!
On s'en est quand même payé une bonne tranche elle et moi.

mercredi 28 juillet 2010

boutons et autres misères.

Les vacances en Grèce se sont très bien passées. Il a fallu juste que l'on s'asperge chaque soir de citronnelle ou d'autres répulsifs car les moustiques se sont fait très voraces: pratiquement pas un vacancier n'y a échappé ( sauf le petit Ange qui se couchait tôt). Et les araignées étaient aussi de la fête, provoquant des plaques très prurigineuses. Bon on ne se plaint pas, on ne revient pas sur le passé et ma peau recommence enfin à ressembler à quelque chose de potable, jusqu'à...

Ce soir des gendarmes m'appellent: " docteur, on a besoin de vous, vous êtes la seule à vous aider; vos confrères de la ville sont tous injoignables et la garde ne commence qu'à 20 heures. Bonne fille je repousse mes rendez-vous et va à l'endroit indiqué: au bout d'une impasse à la sortie de la ville. Je me gare derrière la voiture des gendarmes. L'un d'eux s'approche, me salue et ajoute " le macchabé est dans la forêt, il faut marcher". Ah, je n'ai pas été déçue: comment avait fait le bonhomme pour se perdre là-dedans au milieux des orties, des ronces, des muriers,  et autres arbustes s'amusant à accrocher vicieusement les jupons, les bras, les cheveux et les jambes de qui voulait passer? Et en plus si je puis dire, le mort il était un tout petit peu passé de date, et de toute façon il y avait du monde dedans! Que j'ai été heureuse d'être myope ce soir!
Pauvre type, se cacher dans la forêt pour mourir, quelle drôle de fin. Il s'était sauvé de l'hôpital dix jours avant et avait dû errer avant de trouver cette "cachette".


mardi 27 juillet 2010

Histoire pour le docteur Pelloux

Il y a quelques semaines j'avais prescrit de l'aldactazine (un antihypertenseur diurétique) à une patiente. Celle-ci, peu après a souffert d'épistaxis. Alors elle s'est pointée à l'hôpital le plus proche qui lui a mis pratiquement la main sur l'épaule et une mèche dans le nez en affirmant " Ce n'est pas grave  ma brave dame, allez vous la faire retirer dans cinq jours".
Comme elle était inquiète elle a consulté mon remplaçant qui lui a prescrit une prise de sang. Et elle a eu les résultats le lendemain: plaquettes à 25 000 ( normale à 150 000 au moins).
C'est à ce moment qu'elle m'a téléphoné pour la marche à suivre. J'ai alors pris mon téléphone pour prendre un rendez-vous en urgence au centre de transfusion sanguine ( où il y a des hématologues): " Non madame, nous ne prenons plus de nouveaux patients, adressez-vous à l'hôpital".
Je me suis donc exécutée, suis tombée sur une infirmière en hématologie qui m'a rebasculée sur le standard... puis sur le centre de transfusion sanguine. Mon sang commençait à bouillir sérieusement, j'étais tellement remontée  que j'en ai même raconté l'histoire de ma patiente au standard,  perdant un peu les pédales dans ce dédale téléphonique.
 Et au centre de transfusion enfin j'ai eu un début de solution, une infirmière m'a proposé: " faites venir votre patiente aux urgences demain, elle sera vue par un hématologue et on lui retirera la mèche".
Le lendemain le mari m'appelle absolument désemparé, de l'hôpital: pas la queue d'un hématologue, pas le moindre ORL désireux de  retirer la mèche sans avis hématologique.  J'ai proposé au pauvre mari  d'appeler l'ORL du coin qui a fini par retirer la mèche le lendemain et qui a sauté en l'air plusieurs fois en entendant cette histoire à épisodes.
 Mais les déboires  ne se sont pas arrêtés  là: le jour d'après ma patiente, qui a arrêté l'aldactazine depuis quelques jours et qui va mieux au niveau des plaquettes ( 85 000), consulte le docteur Cravate ( mon confrère) pour des jambes énormes, pleines d'eau: " je ne suis pas compétent, ne vous ayant pas suivie depuis le début, c'est complexe, allez dans un  hôpital que je vous conseille".
Elle y est allée, et l'urgentiste a conseillé de toute urgence de reprendre l'aldactazine! ( pour faire pipi et perdre l'eau)
Et les plaquettes sont redescendues... et ce médicament a été de nouveau arrêté.

Tout le monde m'a suivie?
Ca c'est l'état de la médecine en France en 2010 et il n'y a pas de quoi être fier. Jusqu'à ce jour j'étais atterrée par tout le gachis de moyens, de temps et le stress vécus par le couple , et j'ai proposé au mari:
" Vous devriez peut-être contacter Pelloux, vous savez celui qui a écrit " Histoires d'urgences" et qui fait une chronique dans le Canard Enchainé?
- Tiens donc, ce n'est pas une mauvaise idée, c'est un pote à moi".
C'est le Canard Enchainé qui pourra remplir quelques lignes de son journal avec ça! Et c'est une chute qui donne une conclusion inattendue à l'histoire qui précède.

lundi 26 juillet 2010

Lamentable

Du boulot comme un lundi d'hiver!!! Mais comme dans ma tête je garde le rythme d'été où je passe un peu de temps avec chaque patient, le temps de repas et de café se réduit à peau de chagrin.
Ce matin j'ai reçu une toute jeune femme embauchée en CDD dans une grosse entreprise depuis trois ans. Elle paraissait totalement bouleversée:
" Docteur, je dois travailler dans la boite jusqu'en fin août et je ne veux plus y retourner car je dois prendre le temps de trouver un nouveau travail".
Présenté comme ça, ça n'incite pas à répondre à la demande mais j'ai voulu comprendre:
" Ah bon?
- Bien oui, j'ai toujours eu des bonnes appréciations pendant trois ans ( elle me les présente sous forme de liasse) et voilà la dernière!"
Et je lis  - Arrive en retard au travail;
            - ne s'adapte pas;
            - laisse travailler les autres et ne fait pratiquement rien d'elle-même;
            - caractère peu compatible avec une structure comme celle de cette entreprise.
Rien que ça! J'ai feuilleté les  appréciations antérieures: "vive" "dynamique", " prend son travail à coeur", qui ne variaient pas d'un iota.
J'ai alors demandé à la patiente: " et la DRH, elle était comment quand elle vous a remis cette feuille?
- Elle ne me regardait pas, préferant le sol et ses aspérités sans doute; elle avait l'air stressée.
- Alors ne vous bilez pas! le rapport ne vient pas d'elle mais on a dû l'inciter à le faire.
- J'en suis sûre, ils veulent virer tous les CDD, et les remplacer par des CAE!
- Vous ne savez pas " qui veut noyer son chien l'accuse de la rage?"
- C'est vrai. Ce qui est vrai aussi est qu'ils n'ont personne en aoùt et c'est pour cela qu'ils ne me virent pas avant".

En voilà une technique peu délicate, introvertissante et maladroite! La patiente n'a peut-être plus de job mais est repartie avec le sourire et l'envie de porter plainte... et n'aura j'espère plus envie de prendre un peu de xanax (benzodiazépine) pour oublier.

Encore une fois je me trouve entre le psychologue, le coach et l'assistante sociale (car on a parlé de ses conditions de vie aussi) : le psycoachsocial pourrait-on l'appeler, un nouveau métier où ceux qui le pratiqueraient ne seraient assurément pas au chômage!

dimanche 25 juillet 2010

Prêcher dans le désert?

Parfois je suis un peu fatiguée à répéter sans cesse les mêmes choses; tout au long de ces années j'ai exhorté des patients " ne fumez plus car ça provoque  des rides, et autres choses plus graves; buvez  moins (d'alcool) pour protéger votre foie, mangez moins salé pour éviter la tension et prenez des herbes à la place pour le goût, mangez moins sucré pour éviter le diabète et la prise de poids, faites du sport pour rester tonique etc." Et de plus en plus je découvre des hypertensions, des diabètes et autres joyeusetés dûes à la vie sédentaire et à la malbouffe. Et les gens ne changent pas leurs habitudes pour la grosse majorité et je me demande si je ne prêche par dans le désert.

Hier j'examine une patiente qui m'a l'air d'aller bien, qui ne se plaint de rien hormis de "moins de sensation dans les pieds" et d'une jambe lourde.
" Vous fumez combien?
- Un paquet de roulées par jour presque.
- Vous mangez salé?
- Oui, j'adore le sel"
Et pas de sport. Et puis elle me lance " Au fait, j'ai pris un peu d'aspirine donnée par une amie depuis deux semaines et mes jambes vont mieux".
Alors j'ai prescrit un doppler artériel pour vérifier les flux sanguins. Mais en gros, je ne l'ai prescrit qu'en vue d'une éventuelle opération car elle m'a l'air d'avoir les artères tout à fait encrassées.
Et elle ne veut pas arrêter le tabac.
Je connais la suite, la longue file de médocs qui l'attend.

Et je suis fatiguée.


jeudi 22 juillet 2010

Vacances et moustiques

De retour de Grèce!
Tous le monde a passé de très bonnes vacances, MiniRambo à faire des sourires à toutes les dames, les adolescents entre eux à discuter de refaire le monde; mon compagnon  et moi étions soumis aux horaires du marmot et à ses pérégrinations multiples... et moustiques et araignées pour tout le monde: et on se grattait, et on se grattait...
Pas le  bout du nez d'un patient, l'ambiance était détendue. N'empêche qu'actuellement les grecs ne sont pas les plus gracieux des européens, loin s'en faut. Mais de l'avis d'européens basés dans ce pays, il parait que l'économie souterraine est prépondérante et cause énormément de tort à  ceux qui paient leurs impôts; c'est leur point de vue de l'intérieur.
Et si tout le monde décidait de déclarer ses travaux et ses revenus, la France n'irait-elle pas mieux?

mercredi 7 juillet 2010

Malaise dans la société

Des tas de patients ont une histoire personnelle à eux  concernant leurs conditions de travail qui les font s'arrêter. J'en ai tellement que je ne peux pas les détailler toutes et encore une fois cela leur est personnel. Cela n'empêche que le malaise dans toutes les couches de la société est palpable; les gens peuvent démarrer une dépression car:
- on les change d'un poste qu'ils connaissent sur le bout des doigt pour un autre complètement différent afin de les dégouter du travail et qu'ils démissionnent;
- on leur fait comprendre que s'ils ne peuvent pas déménager et suivre l'entreprise qui va être délocalisée ils n'ont qu'à démissionner;
- on les laisse dans un placard à leur faire faire du travail non intéressant, toujours afin qu'ils démissionnent, etc.

La dame de la Sécu, pendant qu'elle m'annonçait que les arrêts de travail seraient moins bien payés a aussi ajouté quelque chose d'intéressant: des visites seront faites aux patrons des salariés en souffrance pour voir si le problème peut être réglé afin que l'employé puisse revenir vite au travail.
Par ailleurs j'ai lu que les arrêts de travail partiels seraient encouragés, pour remettre le pied à l'étrier.
Ca serait utile à un de mes patients, qui en arrêt de travail pour surmenage, continue à aller deux ou trois fois par semaine pour "ne pas mettre son patron dans la mouise", et qui ramène de surcroît du travail à la maison! Ca c'est du vrai surmenage, et la Sécu paie et l'employé s'enfonce car il n'ose pas dire non à son patron.

lundi 5 juillet 2010

La vie!

Une amie m'a demandé ce qui avait changé dans notre vie depuis que MiniRambo est entré dans notre vie. Un peu terre à terre et  ne sachant pas quoi lui dire ( je pensais qu'elle voulait parler éventuellement de la décoration de la chambre, des jeux etc.)  je lui ai répondu "les couches", puis en cherchant un peu "les jouets dans toute la maison, l'aspirateur deux fois par jour, ramasser la terre des plantes tombées, rendre les barres de céréales qu'il a chipées au lapin (maintenant décédé), se baisser, encore et encore"; courir chez la nounou le matin, chercher sans cesse ce qu'il aurait pu emmener pour jouer etc. Je n'ai pas rajouté que MiniRambo avait régulièrement la délicate attention de nous glisser des machins  dans notre lit, doudous comme voitures, si jamais on n'avait rien à faire un soir!
Et puis il range sa chambre de façon assez efficace:  les jouets passent parfois par la fenêtre, ça libère de la place.
Mais j'ai  beau me trimballer avec des cernes qui font faire des réflexions à mes patients "docteur, vous avez l'air fatigué", diminuer drastiquement le sport, c'est de la vie dans la maison!

dimanche 4 juillet 2010

Bientôt les vacances! Ce n'est pas sûr que je puisse poster ou alors avec des tas de coquilles sur un clavier grec, alors je serai peut-être très bavarde en revenant. Comme toutes les années les enfants ont ordre de dire si on leur demande " maman fait de la couture et du tricot", ceci pour des vacances plus reposantes. Il n'y a que dans l'avion que je devrai me lever et contribuer si un passager a un malaise, sous peine de "non assistance à personne en danger". Dans cette circonstance évidemment que je me lèverai, mais je n'aime pas les obligations.
En tout cas je laisse tous mes patients, y compris les dames sous la houlette de mon charmant remplaçant... même les pharmaciennes sont enchantées!

vendredi 2 juillet 2010

Massacre: la piste des antidépresseurs

lefigaro.fr
02/07/2010
 Un antidépresseur pourrait être à l’origine du coup de folie du médecin qui a tué, le 31 mai, à Pouzauges, en Vendée, ses quatre enfants puis sa femme avant de se donner la mort. Une source proche de l’enquête a indiqué au Parisien que «les analyses toxicologiques effectuées sur le docteur Bécaud ont révélé qu’il prenait de la sertraline, un antidépresseur. Nous n’avons pas trouvé trace d’autres produits dans son organisme. On soupçonne ce médicament d’avoir été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres et a déclenché le massacre».
Une piste d’autant plus crédible que «rien dans le parcours du médecin de campagne ne permet de comprendre le déclenchement d’un tel accès de violence», précise le journal.
Ces soupçons reposent sur des précédents significatifs à l’étranger : en Angleterre et aux Etats-Unis, les tribunaux se sont penchés à plusieurs reprises sur des cas de «folie meurtrière» de patients sous antidépresseurs. (...)

Je n'ai pas voulu parler de cette affaire avant d'avoir cette information: depuis le début je soupçonnais un psychotrope, le valium, ou un autre antidépresseur, le prozac, mais je n'avais pas mis en ligne mes doutes car on se serait encore fait la réflexion " encore une obsédée des psychotropes le docteur Vincent". Non, je tente de ne pas en être une car en médecine générale la consultation ne tourne pas toujours autour de la nocivité des benzodiazépines et des antidépresseurs.
J'étais d'autant moins sûre d'avoir des preuves de l'antidépresseur dans cette affaire qu'il s'agit d'un médecin qui a accès à tout ce qu'il veut en terme de psychotropes.
Mais c'est à eux qu'il faut faire un procès dans certaines tueries ou suicides.

jeudi 1 juillet 2010

Patiente rebelle

Depuis plus de cinq ans une patiente me consulte, un peu pour la ménopause (un quart de pilule par jour lui convient pour les bouffées de chaleurs) , un peu pour des douleurs... rien de bien méchant. Et consciencieusement je lui propose à chaque fois une prise de sang et elle me répond systématiquement "vous savez bien docteur que je ne la ferai pas. Ce n'est donc pas la peine de me la prescrire". Mon charme naturel n'agissait pas sur elle.
Et puis il y a deux jours elle se met à saigner du nez ( épistaxis) abondamment  et consulte mon remplaçant; eh bien en vingt minutes il a réussi ce quoi je n'étais pas arrivée en cinq ans! Et il n'a pas été déçu et moi je me sens toute bête: thrombopénie profonde à 26 000 ( en langage profane: trop peu de plaquettes pour assurer la coagulation, alors le saignement risque d'être grave, voire fatal). Et en plus elle a évoqué un problème génétique avec lui ( avec moi aucune mention de ce fait).  Evidemment à partir de maintenant elle va devoir y passer, en commençant d'ailleurs par une transfusion de plaquettes.
Je pense garder ce remplaçant.