samedi 5 novembre 2011

Assemblée générale de l'AAAVAM

Je  n'ai pas été très bavarde ces temps-ci, et ce n'est surtout pas hier que j'aurais pu écrire: le dernier train partant de la gare du Nord était à minuit, il est survenu une panne et une navette nous a transportés à bon port à 4 heures! Ca mérite une plainte. Mais voilà la raison pour laquelle je me trouvais à Paris: pour l'assemblée générale de l'AAAVAM ( association des victimes des accidents des médicaments) où j'ai tenu ce discours:

Bonjour,

Je me trouve aujourd’hui devant vous pour vous parler de la situation de la santé en France vue par un généraliste. . J’ai un cabinet individuel dans l’Oise depuis onze ans et suis particulièrement consciente du premier point du serment d’Hippocrate « d’abord ne pas nuire ».


Je rencontre en effet régulièrement des patients souffrant d’effets secondaires dus à leur traitement dans ma clientèle, et cela concerne non seulement les benzodiazépines et les antidépresseurs, mais aussi des médicaments aussi « anodins » pourrait-on dire que l’aspirine, l’advil ou l’actifed, ou même la pilule contraceptive.


Je suis toujours un peu atterrée devant un patient inconnu qui se présente en face de moi en me disant « docteur, je viens pour mon renouvellement de somnifère (stilnox) ou de temesta ». Pour lui c’est tout naturel de prendre son petit comprimé quotidiennement, comme de se laver les dents. Il ne se pose plus des questions basiques (si tant est qu’il se les soit posées un jour) du genre « ce traitement est-il vraiment utile ? Devrais-je arrêter de conduire le temps de celui-ci?, quand puis-je l’arrêter et de quelle façon? Cela ne va-t-il pas déclencher des mauvais effets chez moi ? »

Je n’arrête pas d’éduquer les patients à devenir responsables quant à leur santé, et à connaitre bien les traitements qu’ils doivent éventuellement prendre, à choisir le spécialiste qui sera le plus susceptible de les aider sans trop nuire; et je pense que j’y suis arrivée dans ma clientèle.

C’est pour cette raison que je serais favorable à une éducation à la santé dans les lycées, où l’on apprendrait entre autres choses que

- Un médicament n’est pas anodin, ce n’est pas un bonbon et l’on n’a pas par exemple à prendre le Lexomil de la pharmacie familiale pour se le partager avec ses copains ;

- Qu’un médicament peut avoir des effets secondaires bénins ou dangereux selon le produit ou la personne, et que cela n’arrive pas forcément qu’aux autres ;

- Qu’il faut lire les notices avant de prendre tout médicament et prendre conseil auprès d’un médecin ou de la pharmacie en cas de moindre doute

- Qu’il ne faut pas forcément faire confiance au médecin qui assure « ne lisez pas la notice, vous allez vous faire peur pour rien, la proportion d’effets indésirables est minime ». (je rappelle que, nombre d’effets indésirables n’étant pas déclarés à la pharmacovigilance, le nombre d’incidents réels n’est pas connu, au plus suspecté) ;

- Qu’Il faut lire les pictogrammes concernant la conduite automobile et qu’il faut se méfier des rouges en particulier ;

- Qu’il vaut mieux et de loin commencer par une solution non médicamenteuse, surtout en cas de stress, d’autant plus que les mutuelles remboursent de plus en plus les médecines douces ;.

- Que s’ils souffrent d’une maladie particulière il faut qu’ils s’informent afin de l’appréhender pour le mieux et pas qu’ils disent à leur médecin traitant : « docteur, je vous fais toute confiance ». Il faut sortir du schéma « le médecin est celui qui sait, je prends tout ce qu’il me donne sans réfléchir ».

- Qu’ils se servent aussi de l’outil internet pour leurs recherches par rapport à leur pathologie, mais en demandant au médecin de replacer les éléments qu’ils y ont trouvés par ordre d’importance, et de distinguer le vrai du faux (car on y trouve de tout et n’importe quoi surtout dans les forums !)

- Qu’une consultation chez un médecin n’aboutit pas forcément à la rédaction d’une ordonnance (Les Français consomment, par personne, 6 fois plus de médicaments que les néelandais)

Je suis convaincue que l’on peut diviser par deux la facture des médicaments et les effets secondaires imputables à ceux-ci

Par exemple, quand un patient souffre de lombalgie, je lui propose de la kiné ou de l’ostéopathie afin qu’il raccourcisse au maximum la durée de son traitement antalgique et antiinflammatoire, je tente aussi un arrêt de travail le plus court possible car statistiquement c’est quand on s’arrête peu longtemps que l’on guérit le plus vite possible.

L’écoute aussi est très importante : Quand un patient ressort du cabinet avec la sensation d’avoir été compris, il ne ressent pas la frustration de ressortir au bout de cinq minutes avec une ordonnance d’antidépresseurs et de benzodiazépines, la tournant en tous sens et pensant ; « je me sens mal dans mon couple, mon travail etc. . Et tout pourrait se résoudre miraculeusement avec la prise d’un petit médicament ? » Voilà la médicalisation des émotions.

Un point à noter aussi : une consultation de généraliste est à euros, que cela soit pour une angine ou une dépression ; que l’on passe cinq minutes ou cinquante auprès d’un patient, cela sera toujours le même tarif, cela peut pousser certains à l’abattage.

Par ailleurs, dans les campagnes les généralistes se font rares, ils sont complètement surmenés, usés et cela peut influer sur la qualité d’écoute. La moyenne d’âge de mon canton est environ de 56 ans et personne ne semble prêt à s’installer.

Et jusqu’à il y a peu les visiteurs médicaux apportaient parfois la seule formation continue au médecin installé et surchargé de travail (ex : prescrivez du médiator à vos patients docteur, vous ne le regretterez pas. Mais non docteur, ce n’est pas une amphétamine). A présent les labos économisant sur leurs salariés nous sommes beaucoup moins sollicités.

Je pense qu’il faudrait une réforme de la médecine générale en profondeur ; et que les médecins réapprennent à soigner sans forcément prescrire des médicaments. Concernant les psychotropes je ne parle pas forcément des prescriptions de psychiatres car 80% des psychotropes sont prescrit par des généralistes.

Un autre point que je voudrais soulever est l’ignorance dans laquelle sont tenus les médecins : par exemple lorsque le médiator a été interdit, à l’instar de tant d’autres, ou les médecins lisent les médias, auquel cas ils en savent autant que les patients, ou au pire ils sont tenus au courant par les patients eux-mêmes ! C’est dire le peu de cas que l’on fait des médecins.

Tout ceci contribue à la situation dans laquelle on se trouve actuellement, avec des médecins démotivés et des patients désabusés et confus.

Je pense qu’à terme notre système de santé n’est pas viable, sauf si l’on se libère de l’emprise, de l’argent des laboratoires pharmaceutiques. Il faudrait que l’on intègre les médecins parallèles dans la panoplie de soins proposée aux patients, de façon à pouvoir être le plus efficace en nuisant le moins possible

Un type m'a demandé après: " mais en tenant des propos comme ça, vous n'avez pas de problèmes avec le conseil de l'ordre?"
Pas du tout!



11 commentaires:

  1. Bravo! Je voudrais avoir un médecin comme vous! Merci pour tout ce que vous partagez avec nous, vos lecteurs.

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  2. Bravo et merci pour ce texte ! Je pense qu'il existe d'autres médecins qui pensent comme vous et ne se sont pas encore prononcés. Voilà une bonne chose pour les mobiliser et en gagner d'autres à cette cause plus qu'urgente. Oui, la médecine a vraiment besoin d'être réformée ! Et cela se fera par une prise de conscience de tous, médecins et patients.

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  3. Les psychotropes sont un véritable fléaux pour notre société.

    Voici un article qui donne quelques informations au sujet des psychotropes, de leur effets secondaires et cite quelques témoignages de personnes ayant été sujet à ces "médicaments" :

    http://fleausolution.com/2011/11/les-psychotropes-ils-vous-en-prescrivent-vous-en-mourrez/

    N'éhsitez-pas à le commenter pour faire partager votre point de vue sur ce fléau.

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  4. Merci Docteur pour ce bel exposé que je viens de découvrir. Si vous saviez combien nous aimerions tous avoir la chance de rencontrer des médecins capables de tenir un tel discours…

    Nous savons qu’ils existent encore mais, hélas, à moins qu’ils ne se cachent, ils sont bien peu nombreux et toujours trop loin, quand ils ne sont pas carrément inaccessibles !

    Alors, quand on est confrontée, même par personne interposée, aux terribles dégâts de la iatrogénie, quand on se bat depuis plusieurs années aux côtés de victimes niées et laissées pour compte par un système inique, on ne peut que devenir extrêmement sensible à vos propos.

    Ainsi, dans le cadre d’un forum privé dédié aux victimes de l’AGREAL (ce neuroleptique caché pendant 28 ans derrière un innocent produit de confort contre les bouffées de chaleur), nous ne manquons jamais de relever la moindre démarche susceptible de nous laisser entrevoir un peu d’espoir pour demain… Il y a quelques semaines, j’y publiais une information qui, si vous ne l’avez pas déjà traitée, devrait sans doute avoir sa place dans votre blog, et tout particulièrement sur cette page.

    A moins que sa longueur ne soit un handicap, je vais essayer de vous en faire un copier-coller. A défaut, je vous l’adresse par mail et vous jugerez vous-même de l’opportunité de l’éditer et de la place qu’il convient de lui accorder.

    Merci encore pour ce blog que j’ai découvert en 2009. Longue vie à lui et à ce qu’il représente. Je ne m’y étais pas encore exprimée ; c’est chose faite aujourd’hui !

    ADVISA / Sylvia

    P.S. : Si vos patients l’ignoraient encore, qu’ils sachent qu’ils ont bien de la chance !

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  5. Merci pour vos encouragement :)
    ou est votre lien?
    dr Vincent

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  6. Bonjour,

    Impossible de publier ledit texte ! Il est sans doute vraiment trop long pour un commentaire. je vous l'ai donc adressé jeudi sur le compte mail indiqué en marge de votre blog.

    Bon week-end à vous,

    ADVISA / Sylvia

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  7. tentez davidvincent6@gmail.com
    Dr Vincent

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  8. Transfert effectué le 13 décembre dernier. L'avez-vous réceptionné ?


    Bonne année Docteur,
    Bonne année à tous...

    ADVISA / Sylvia

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  9. Effectivement j'avais entendu que le docteur Delarue avait écrit une thèse qui avait dérangé, mais je ne me suis pas trop penchée dessus.
    Je mets le lien http://docteurdu16.blogspot.com/2011/08/louis-adrien-delarue-denonce-les.html
    et http://www.apima.org/img_bronner/THESE-DELARUE.pdf
    Quant à votre texte, faites-en un PDF, je me ferai une joie de le diffuser.
    Amicalement

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  10. Bonjour Docteur,

    Désolée pour le retard ! Je vous envoie bien volontiers le PDF demandé. Merci beaucoup pour cette offre de diffusion.

    Quant à la thèse elle-même, je crois sincèrement que la vulgariser au maximum est un service à rendre à tous ceux qui, comme vous, se battent pour rendre à la médecine ses véritables lettres de noblesse. D’autant qu’il n’est pas inutile de préciser qu’elle est lumineuse jusque dans son écriture ! Rien d’hermétique ou de rébarbatif qui pourrait dissuader certains lecteurs, bien au contraire.

    Voici également deux autres liens que j’ai découverts trop tardivement et qui ne figurent donc pas dans mon propre texte ; ils valent vraiment le détour car ce qu’ils révèlent sur la mentalité de nos universités et sur celle du jury que ce jeune médecin a dû affronter est proprement révoltant. Il s’agit du Verbatim de la soutenance du Dr Louis Adrien DELARUE. On y découvre, avec effarement et incrédulité, comment des professeurs, évoluant dans un monde de conflits d’intérêts, déstabilisés par l’implacable limpidité des conclusions de cette thèse, basculent soudainement dans l’incohérence la plus totale pour tenter de justifier les conséquences gravissimes de ces collusions !
    http://www.atoute.org/n/article234.html
    http://www.atoute.org/n/IMG/rtf/VerbatimdeLasoutenance.rtf

    En découvrant ce Verbatim on mesure un peu plus encore tout le courage et la détermination dont ce doctorant a dû faire preuve pour oser ainsi braver l’ordre établi…

    Combien de jeunes émules s’engageront-ils sur ses traces ?

    Comme je l’écrivais en novembre dans « Louis-Adrien Delarue ou le choix de la Vérité », que j’avais dédié aux victimes des médicaments et tout particulièrement à celles du sinistre AGREAL : « puisqu’il a pris le risque de monter les pieds dans le plat, et que nous savons mieux que personne tout ce que ses conclusions impliquent en terme de souffrances et de tabous, donnons lui l’audience qu’il mérite. (…) Il faut que la médecine de proximité retrouve son âme, sa liberté, qu’elle s’insurge contre un système perverti dont elle est l’ultime et incontournable maillon. Elle doit devenir notre bouclier, un rempart contre les dangers ; pas une menace… »

    En ce début 2012, c’est le vœu que je formule.

    Merci à vous, Docteur Vincent, de le relayer sur votre blog.

    Amicalement,

    ADVISA / Sylvia

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  11. Et, pour continuer dans les remerciements, j’ajoute ici, si vous le permettez, la conclusion dudit texte :


    MERCI A VOUS, DOCTEUR DELARUE et merci à votre directeur de thèse et ex maître de stage, le Docteur LEVESQUE qui, effectivement, comme vous le souligniez récemment dans un article de la Charente Libre, ne « devait pas avoir froid aux yeux, pour vous pousser dans cette voie »... http://www.charentelibre.fr/2011/10/24/medecins-laboratoires-la-these-de-la-collusion,1061441.php

    La découverte de vos existences est une excellente nouvelle, une vraie bouffée d’espérance ; non seulement pour les derniers spécimens de généralistes qui ont su, envers et contre tout(s), rester fidèles à l’esprit de leur serment, mais aussi pour des centaines de milliers de victimes broyées par l’implacable système que vous dénoncez avec tant de maestria. Des victimes qui, à défaut d’avoir eu la chance de rencontrer des médecins de votre stature morale, ignorent toujours les sources iatrogènes de leurs pathologies ou, pire encore, sont en but au déni de praticiens plus préoccupés de leur sort, ou du salut de leurs confrères, que de celui de leurs patients…

    A l’heure où la vie humaine pèse de moins en moins lourd entre les griffes des adorateurs du CAC 40, où la santé se décline en parts de marché et en gestion comptable, l’AFSSAPS et la HAS pourront toujours changer de présidents, voire de nom, ce n’est pas une énième réforme législative sans réelle ambition qui éradiquera les perversions et assainira le milieu en chassant les marchands du temple.

    A contrario, votre discours est une profession de foi qui sonne infiniment juste et clair.

    Pour tous les citoyens qui ont, à juste titre, perdu confiance, ceux dont les dernières illusions se sont envolées avec les miasmes répugnants du lucratif H1N1 et les relents putrides du MEDIATOR, pour toutes les victimes dont on ne parle pas, celles qu’on ne diagnostique pas, par ignorance ou par lâcheté, celles qu’on abandonne, plutôt que d’assumer les conséquences insupportables de son propre aveuglement, toutes celles que le système sacrifie et jette aux oubliettes après chaque mise au rebut d’une AMM compromettante…

    Au nom de tous ces fantômes anonymes qui hantent douloureusement les interlignes de votre thèse, souhaitons, avant qu’il ne soit trop tard, que votre exemple fasse de multiples émules…

    Que l’esprit critique et l’indignation restent avec vous,

    Sylvia (Advisa)

    Victime collatérale de l’AGREAL,
    Un neuroleptique dissimulé, pendant 28 ans,
    dans une innocente gélule contre les bouffées de chaleur…

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