mardi 18 septembre 2012

Navire à la dérive

En garde j'ai dû constaté un décès à l'hôpital du coin. Déjà je n'étais pas ravie: l'hôpital n'est pas tout prêt, un certificat de décès est un acte effectué à titre gracieux et surtout on était en fin de garde. J'ai passé la barrière du centre hospitalier qui s'est ouverte automatiquement, j'ai tourné au coin; pas une voiture, pas un pèlerin.
 Un peu plus loin les bâtiments avaient toutes les vitres cassées, les murs écornés, la végétation en friche, une atmosphère de désolation vaguement hostile. Enfin, un bâtiment tout gris et dont les murs sont remplis de mousse mais avec vitres non cassées: le CMP ( centre médico-psychologique) Ca ne doit pas remonter le moral aux patients tout ça.
 En continuant, même décor, puis une simple porte vitrée au bois écornés avec écrit: long séjour. je suis arrivée. Un couloir au lino usé, un autre " Y'a quelqu'un?" On me répond. "Je viens pour le mort", je réponds, un peu cavalier mais l'ambiance est si étrange. Et je suis arrivée dans le service; des mur couleurs roses et violet, musique, gentilles infirmières souriantes, un joli jardin auquel les patients peuvent accéder accompagnés ou non selon le degré de dépendance. Je dis bonjour à l'infirmière, une agréable connaissance qui me propose gaiement d'aller voir le macchabée: enfin un qui a réussi à se tirer de son corps souffrant, de ce navire à la dérive, pourquoi cela ne serait-ce pas joyeux? On retourne dans la salle de soins et elle m'explique: " plus personne ne s'occupe de l'hôpital, nous sommes pratiquement tous seuls ( les urgences ont fermé, les services de médecine aussi), ils ont économisé sur les agents de sécurité, et des squatteurs viennent le soir, se piquent, ont fait un barbecue il n'y a pas longtemps en plein air. Parfois on n'a plus de médecin, c'est pour cela qu'on vous a fait venir. Les policiers ne se déplacent plus que sur insistance expresse  les pompiers ne sont pas motivés non plus. Et on a peur quand on va aux vestiaires car ça ce pique derrière. Et puis je ne vous ai pas raconté: à chaque fois qu'il pleut il faut mettre des bassines dans le couloir car le toit fuit" J'admire le jardin et elle continue " ils vont tout abattre et faire les logements sociaux". Voilà un hôpital moribond. Et des gens ont encore le courage d'aller travailler là-dedans.

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