dimanche 12 juin 2011

L’IGAS se nourrit de faits divers pour enterrer la psychiatrie de secteur


Le 31 mai 2011
Ce jour, à partir d’exemples dramatiques et exceptionnels, un rapport de l’IGAS pointe les « dysfonctionnements des hôpitaux psychiatriques » concernant leur « sécurité ».

A l’heure où la FNAPsy (association majoritaire d’usagers) se lève contre le projet de loi voté ce jour en deuxième lecture à l’Assemblée Nationale, ce rapport œuvre, de fait, pour une psychiatrie toujours plus sécuritaire et toujours plus stigmatisante. Il va précisément à l’encontre de l’avis du contrôleur général des lieux de privation de libertés, (Mr JM Delarue) et de celui de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme.

Ce rapport de l’IGAS nous indigne ! Il érige le risque zéro et le principe de précaution en valeurs absolues quitte à sacrifier des centaines de milliers de personnes sur l’autel de l’efficacité, réduisant leurs souffrances aux risques qu’ils représentent pour les autres.

Rappelons qu’après le discours du président de la République à Antony, le 2 décembre 2008, les crédits (70 millions d’euros) avaient afflués pour « sécuriser les hôpitaux psychiatriques », alors que dans le même temps aucun poste soignant n’avait été créé !

Rappelons que la politique de destruction systématique de la psychiatrie depuis une trentaine d’années, en termes de moyens et de formation des professionnels, ne pourra qu’avoir des conséquences encore plus tragiques si les politiques n’ont pas le courage d’aller à l’encontre du climat de peur ambiante dont la figure du « schizophrène dangereux » n’est que l’un des nombreux avatars.

Depuis des mois et des années, nous sommes indignés par les conséquences de l’incurie de la puissance publique que nous voyons détruire nos pratiques quotidiennes. La suspicion envers les patients et leurs proches n’est pas un soin. Les procédures d’enfermementad vitam aeternam ne sauraient résoudre aucun des problèmes que rencontre la psychiatrie. Bien au contraire, si des passages à l’acte ou des fugues se produisent dans les services, c’est précisément du fait du climat toujours plus carcéral de nos unités d’hospitalisation entrainant la ruine de toute possibilité d’ambiance chaleureuse et accueillante et aussi de la réduction drastique des moyens et du nombre de lits obligeant les équipes à une « gestion » des patients à « flux tendus ».

Cette politique de destruction de la psychiatrie atteint aujourd’hui son paroxysme. Alors que cinquante ans de pratiques d’hospitalité pour la folie, par la mise en place de la politique de secteur, avaient permis d’aller à rebours des préjugés inhérents à la pathologie mentale, à leur stigmatisation et au tri par pathologie.

Ce rapport entérine, avec une violence insupportable envers les patients, les soignants et leurs proches, la déraison d’Etat.

Rappelons que les patients hospitalisés en psychiatrie sont d’abord et avant tout victime de violences, rappelons également que la folie n’est pas la condition nécessaire de la violence, cette dernière est d’abord et avant tout l’apanage des gens normaux.

Si l’enferment redevient la norme, si le tri par pathologie est de nouveau présenté par certains comme une avancée -alors qu’il a déjà montré ses impasses dans un passé encore proche (ce que l’on nommait alors les pavillons pour « agités », pour « déments », pour « bons travailleurs ») - il faut y voir là une consécration de l’échec d’une politique de civilisation digne de ce nom par la promotion d’une psychiatrie gestionnaire et sécuritaire qui, depuis plusieurs années, provoque toujours plus de violence envers les patients, d’abandon des familles et de perte de sens pour les équipes à propos de la question du soin psychique.

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, collectif composé de professionnels, de patients, de familles, de proches et de citoyens s’indigne du populisme sensationnel d’un tel rapport qui légitime une loi inique promouvant le retour de la ségrégation pour les plus fragiles d’entre nous et organisant la destruction du secteur dont nous cessons de répéter que sa survie nécessite l’abondement de moyens, la remise à plat des questions de formation, actuellement catastrophiques, et la promotion d’une conception de la folie qui cesserait de réduire les patients à leurs simples symptômes où à leurs supposées anomalies génétiques.

Nous refusons la psychiatrie « par quartiers », la ségrégation des patients ne peut en effet qu’aggraver leurs souffrances psychiques. L’enfermement d’un autiste de 11 ans dans un service pour adultes n’est que la réponse désespérée de soignants désespérés par des conditions de travail qui ne cessent de s’aggraver et par l’appauvrissement des moyens mis à la disposition du soin. Elle n’a aucunement valeur d’exemple si ce n’est pour montrer qu’une ambitieuse loi pour la psychiatrie est plus que jamais nécessaire, et qui exclurait tout rafistolage, comme ceux qui nous sont actuellement proposés.

Le collectif des 39 contre la nuit sécuritaire.

Je n'ai rien coupé aujourd'hui, c'est trop important. Je voudrais pourtant revenir sur une chose  concernant "la politique de destruction systématique de la psychiatrie depuis trente ans": en ne visant pas la guérison des malades psychiatriques mais leur socialisation, leur integration et juste l'apaisement de leurs souffrances, elle n'est pas efficace selon beaucoup... même si l'on peut considère que l'apaisement de l'âme  est déjà un but en soi.
Evidemment je fais de la médecine générale dans un cabinet de campagne et donc croise très raremement ce monde mais je suis sûre qu'il y a des moyens simples que l'on n'utilise pas dans le quotidien pour éviter la montée de la folie; cela se joue au cas par cas, aider à dénouer des tensions familiales, encourager, faire des arrêts de travail au bon moment, prescrire de la nutrithérapie pour compenser les carences ( une anémie peut amener une dépression), vérifier les effets secondaires des traitements ( la pilule Adépal par exemple peut provoquer une dépression dans certains cas) etc.
C'est du travail de fourmi pour éliminer toutes les causes de décompensation psychique, et pour une fois je vais faire la vénale: je veux la consultation à 30 euros pour tout le temps que je passe avec les patients fragiles psychologiquement!



2 commentaires:

  1. Cet article est un peu loin des préoccupation de monsieur le généraliste de base.

    La psychiatrie de secteur concerne des patients relativement sérieusement atteint que ne peux soigner un psychiatre de ville (truisme).

    Occupons nous de soigner décemment les troubles anxieux et les troubles dépressifs (psychiatrie tout venant) et d'envoyer judicieusement en passant la main intelligemment et avec élégance au confrère psychiatre de ville (ou de campagne).

    Pas simple la psychiatrie pour un généraliste.

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  2. Une façon de me renvoyer à jouer avec mes billes dans la cour de récré.

    Néammoins je ne vous en veux pas; je ne demande qu'à faire de la médecine somatique et de la psychothérapie de soutien si nécessaire.

    Mais j'ai vu dans mon entourage des personnes qui auraient pu relever du généraliste, et ayant été mal aiguillées, se sont retrouvées à l'hôpital psy. Alors que l'on aurait pu prévenir l'escalade. Et c'est ce que je m'efforce de faire dans la mesure de mes moyens. La prévention dans ce domaine relève plutot du généraliste.
    Dr Vincent

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