vendredi 9 novembre 2012

Histoires de priorité

Il y a trois semaines , un de mes patients non fumeur, abstinent a senti monter en lui une grande angoisse, a senti sa poitrine se serrer et des grosses gouttes de sueur perler sur son front; alors ses collègues lui ont conseillé " Que t'arrive-t-il? Tu n'es jamais stressé! Viens, on va faire un peut de yoga". Et il en a fait une heure sous leur supervision bienveillante; il s'est senti mieux, juste avec une petite pointe de stress résiduelle. Le soir à 19 heures quand même, il a voulu se rassurer en venant chez moi, dés fois que.
Je l'ai examiné, ai palpé dans tous les sens, ai cherché une douleur intercostale éventuelle et en ai conclu: "non monsieur, je ne pense pas que ça soit de l'angoisse ni une douleur articulaire, c'est un infarctus. Vous n'y avez pas pensé? 
- Non docteur.
- Je vous donne un papier, vous filez aux urgences". Et dans la lettre "cher confrère, je vous adresse en urgence monsieur Gerbille pour une suspicion d'infarctus". 
Je l'ai laissé partir. Mais dans la soirée me taraudait un soupçon de culpabilité: aurais-je dû appeler le SAMU? 
Je n'aurais pas dû m'en faire pour ça: à peine arrivé chez lui il a estimé que le plus urgent était de prendre un  repas bien copieux. A 22h30 pourtant, je suppose qu'il avait relu ma lettre, il s'est pointé aux urgences, où ils n'ont pas pris de gants pour lui parler, premièrement de son infarctus, deuxièmement de sa perte de chance potentielle à venir si tard. 

Mais je suis très mauvaise langue: "que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre". Quand j'ai perdu les eaux pour mon premier accouchement j'ai ressenti le désir irrésistible d'aller prendre un bain en expliquant à mon mari que c'était la bonne chose à faire en priorité!

Il y a la médecine, et il y a le ressenti. 


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