Contrôles défaillants et trafic de Subutex florissant ( Le Républicain Lorrain)
Pour avoir monté un trafic de produits de substitution à la drogue, quatre Messins ont été condamnés, hier. En toile de fond, l’audience a pointé le manque de contrôle de la CPAM et la bienveillance de certains médecins généralistes.
Les habitués de la rue du Palais, à Metz, connaissent ces visages abîmés par les stupéfiants. Difficile de deviner ces individus assis sur des milliers d’euros, quand ils réclament aux passants quelques pièces de monnaie. Difficile d’imaginer ces mêmes personnes, hier devant le tribunal de Metz, gérer un trafic de produits de substitution et déambuler chaque jour au cœur de Metz, avec chiens et bouteilles sous le bras. Et pourtant.
« Les chiffres sont conséquents », admet le procureur, Thomas Bernard. Lors des investigations débutées en novembre, la brigade des stupéfiants de la Sûreté départementale a observé des ventes de dizaines de boîtes de Subutex ou de Skenan, un dérivé de la morphine utilisé pour les patients en fin de vie. Ces deux dernières années, le trafic porte sur des milliers de boîtes refourguées, 10 ou 30 € selon le produit, par ces individus qui n’ont jamais eu à débourser le moindre centime grâce à la Couverture maladie universelle. Le préjudice de la CPAM est estimé à 162 000 €.
Les chiffres sont importants, et têtus puisqu’ils trahissent « une liberté d’action assez étonnante pour ces toxicomanes, qui ont réussi à obtenir sans difficulté ces boîtes de produits soumis à réglementation », observe le ministère public.
« On y allait trois ou quatre fois par semaine »
Sur ce sujet, les trois vendeurs de la rue du Palais et leur principal acheteur, tous les quatre interpellés cette semaine, offrent aux magistrats des explications précises et fournies. Il était si « simple d’obtenir des ordonnances » que l’idée de se faire de « l’argent facile pour se payer de la drogue, de l’alcool, des filles » a vite germé dans ses esprits en manque. Le début de la ruée vers l’or.
Si l’on juge à la barre quatre trafiquants de drogue et des escrocs, c’est aussi le procès avant l’heure de certaines professions médicales. Chaque question tourne autour des prescriptions. Le Subutex? Normalement, un utilisateur reçoit huit boîtes par mois. « Mais nous, on savait qu’avec certains médecins de Metz, on pouvait y aller trois-quatre fois par semaine », affirme un mis en cause. Un autre : « Parfois, je disais venir avec des documents au nom d’un copain qui n’osait pas venir dans le cabinet. On me posait quelques questions mais ça passait parce que les médecins nous connaissent… »
Le Skenan? « C’est un des produits les plus réglementés. Au bout de la chaîne, le pharmacien a un devoir de vérification, affirme M e Jan, défenseur d’un prévenu. On constate aujourd’hui ce défaut de vigilance. »
Quand la Caisse primaire d’assurance-maladie demande le remboursement intégral du préjudice, la réaction des avocats est virulente : « Ces personnes ont profité des failles du système. Et maintenant, la Sécu réclame l’argent ! L’aberration, c’est qu’elle n’a rien vu avant. La partie civile a précipité ses propres pertes », tempête M e Vautrin-Grude.
Une vision partagée par le tribunal, qui a condamné les prévenus à rembourser la moitié du préjudice total. Conformément aux réquisitions, Isam Bel Ayadi, Martial Guarriguet et Joachim Rhode ont été envoyés en prison pour les deux prochaines années. Mahmoud Hassi, l’acheteur des boîtes qui les revendait ensuite en Allemagne ou à Marseille pour se faire de l’argent, a écopé d’un an ferme. Il a été placé sous bracelet électronique.
Ce soir je ne ferai aucun commentaire, mais à méditer...
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